Prenant sa source à plus de 3000 mètres d’altitude, dans les Alpes, le Drac s’étend sur 130 kilomètres de long avant de se jeter dans l’Isère, à Grenoble. Cette rivière tumultueuse a pourtant profondément muté en peu de temps. Sa partie amont, qui traverse le Champsaur, a subi de lourdes dégradations au fil du temps. La plaine de Chabottes, située en aval des Orcières, est considérée comme une zone remarquable par sa morphologie en tresses mais aussi particulièrement fragile.
En effet, la surexploitation de cette rivière par les activités d’extraction d’alluvions (dans les années 1980 jusqu’en 2012), les installations hydroélectriques, l’intensification des loisirs nautiques (plan d’eau, endiguements) sont autant de causes qui ont provoqué une importante déstabilisation du lit et des écosystèmes environnants.
D’une largeur initiale et moyenne de 110 mètres dans les années 60, le lit s’est considérablement rétréci pour descendre à 38 mètres de large de moyenne en 2009. Il s’est surtout enfoncé de près de 3 à 4 mètres sur un linéaire de 4 km, retirant ainsi toute la couche alluvionnaire et atteignant une couche inférieure, principalement composée d’argiles tendres. Les crues de 2006 et 2008 ont amplifié le phénomène, engendrant une érosion accélérée de la zone et menaçant les espaces riverains et une propagation du phénomène plus en amont. Ainsi, les glissements de terrain se sont multipliés et les milieux naturels (frayères, boisements, zones humides, etc.) se sont dégradés. Au-delà de la partie environnementale, le renforcement du risque de glissement a commencé à menacer directement les populations à proximité : route nationale, habitations, terres agricoles, la digue du plan d’eau touristique de Champsaur, etc.
Devant ce constat alarmant qui dépassait les capacités des acteurs locaux et semblait irréversible, la CLEDA (le syndicat mixte de la Communauté Locale de L’eau du Drac Amont) a décidé d’un plan drastique de restauration du Drac. Un Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) et un Contrat de Rivière ont été mis en place. Ils ont notamment permis de mettre autour de la table toutes les parties prenantes, de dresser le constat de l’état de la ressource en eau et de la biodiversité locale, et de fixer des objectifs ambitieux de restauration.
Pour remédier à la situation rapidement, il a été décidé de « recharger » le lit du Drac en alluvions, en empruntant les matériaux à d’anciennes terrasses du lit principal et en transportant des sédiments de zones excédentaires situées en amont. Cette principale action a eu pour effet de reconstituer le matelas alluvial au-dessus de la couche argileuse, et de rétablir la morphologie originelle de la rivière en tresses. Mais pour cela, il a fallu acquérir les 60 ha du projet et acheminer 355 000 m³ de galets, de graviers, de sables et de limons. Cette quantité a été répartie sur 4 kilomètres linéaires en répartissant équitablement les volumes pour restaurer un profil en long continu à 1% de pente et un lit mineur d’une largeur minimale de 80 m.
BURGEAP a été missionné en 2012 pour les études préalables et les dossiers réglementaires. Puis, il s’est vu confier la maîtrise d’œuvre des travaux et a supervisé le chantier qui n’a duré que cinq mois entre novembre 2013 et avril 2014. Le projet a coûté 4 M€ et a été financé par l’Agence de l’Eau, la Région PACA, le Département des Hautes-Alpes, l’Europe et la CLEDA.
Cinq années après les travaux, les résultats sont de plus en plus probants. Le lit du Drac bénéficie à nouveau d’un large espace de mobilité et a retrouvé sa forme de tresses grâce au travail régulier des crues. Les menaces pour les milieux riverains, notamment les glissements de terrain, sont écartées. Les milieux naturels répondent très favorablement : de nombreuses zones humides sont réapparues avec le relèvement de la nappe alluviale ; les peuplements de poissons explosent (biomasse et densité multipliées par 3) ; parmi 200 espèces d’oiseaux qui le fréquentent, le site devient une halte pour des oiseaux migrateurs comme l’échasse blanche.
Par ailleurs, grâce au terrassement d’une piste installée sur l’une des rives, la liaison douce (piétons, VTT, équitation) entre le village de St-Bonnet-en-Champsaur et son plan d’eau est devenue un lieu fréquenté et apprécié d’une large population. Enfin, le Drac, qui était devenu dangereux pour la pratique du canoë-kayak est aujourd’hui un site école pour le club local et la fédération départementale.
Cette réalisation est une première européenne. Les rivières en tresses, caractéristiques des cours d’eau sauvages de montagne, présentent une hydromorphologie rare mais aussi menacée. La recharge sédimentaire d’une rivière en tresses et à une telle échelle (linéaire de 4 km ; projet développé 60 ha ; 355 000 m³ réinjectés dans la rivière) n’avait jamais été réalisée auparavant.
Cette avancée est importante sur le plan scientifique puisqu’elle permet de répondre à d’autres problématiques rencontrées sur différentes zones hydrauliques et écologiques fragiles. Les efforts se poursuivent et un comité scientifique de suivi continue d’analyser les évolutions de la rivière, tant sur sa morphologie que sur sa biodiversité.
Un tel exemple montre enfin que la synergie entre les techniciens, les élus locaux et les partenaires financiers permet, sinon de soulever des montagnes, de remettre en état une rivière que l’on croyait condamnée de façon irréversible.
Débats et réactions
Vos réactions
Bonjour,
C’est un bel exemple de restauration hydromorphologique de rivière réussie !
Bravo !
Hydrolicien et Ingenieur en Genie civil et batiment,
Vore projets venait davantage de me donner des idées sur l’Aménagement d’une Valllee dans le Sud ouest Gabon (Vallee de Mougoutsi et Bibora dans la région de la Nyanga). Ce qui est sûr, votre contrution sera fort utile. Nous recontacterons d’ici là.
Placide Ibouanga Moussounda
Président Directeur Général de l’Omivvam
Paris, France
E.mail: placideibouanga@gmail.com
Tél.: 00 33 6 21 09 40 47
Ou 00 33 7 51 49 65 53