Les désordres dus à l’humidité sont souvent le concours de plusieurs causes, alors même qu’un examen superficiel ne permet d’en déceler qu’une seule. Conduire une véritable enquête permet de rassembler, sans idée préconçue, le maximum d’informations objectives, sans négliger ce qui pourrait apparaître à l’examen superficiel comme des détails. Quelles sont les renseignements nécessaires à l’analyse du phénomène ?
Caractéristiques morphologiques du désordre : « de quoi s’agit-il ? »
Les tâches
Les tâches apparaissent souvent d’une couleur différente de celle de leur environnement (généralement jaunâtres, blanchâtres ou noirâtres), ou encore ton sur ton, mais généralement plus sombres. Leur caractéristique essentielle est plutôt leur forme et la présence ou non de franges (auréoles) marquées et plus ou moins parallèles entre elles.
Les franges lorsqu’elles sont concentriques, sont le signe de venues d’eau par vagues successives et font soupçonner des infiltrations d’eau de pluie ou des fuites périodiques de canalisations, plus rarement des migrations par capillarité, plus diffuses et moins brutales ; elles ne sont qu’exceptionnellement le signe de condensations.
Une forme plus ou moins circulaire traduit une venue d’eau plutôt ponctuelle : elle est le signe caractéristique d’une infiltration d’eau de pluie ou d’une fuite de canalisation, sauf si ses contours sont flous, car alors il s’agit de condensation sur un point froid (la tête d’une fixation traversant un isolant par exemple) ; si la tâche est très allongée et occupe pratiquement toute la longueur de la paroi, elle sera un indice de remontée capillaire en plinthe de rez-de-chaussée de chaussée, d’infiltrations en cueillie sous toiture ou en allège de fenêtre. Si les contours sont flous, il faut penser à une condensation en plinthe, en cueillie de mur extérieur ou à l’angle d’un mur et d’un refend ou en encadrement de baie et d’une manière générale, sur toutes les faiblesses thermiques affectant cette forme allongée.
Les tâches de bistre apparaissent sur les conduits de fumées ; elles vont du jaune au marron foncé et sentent mauvais. Le bistre est le résultat de la dissolution de dépôts de suie par de l’eau de condensation des fumées, quand la cheminée est insuffisamment isolée et/ou que les fumées sont trop froides, ou encore d’infiltrations au niveau de la souche.
Fantômes, ou spectres
La présence de salissure sur la paroi non uniformément marque la trace de régions plus froides que leurs voisines : joints de maçonnerie de blocs ou briques creux, poutres en plafond ou poteaux non ou mal isolés. Les contours en sont estompés parce que le gradient de température est progressif. Ce phénomène n’est lié à l’humidité que lorsque le collage des poussières est dû à des condensations, qui mouillent davantage le pont thermique que son environnement.
Efflorescences et salpêtre
Il s’agit de la recristallisation de sels que l’eau a dissous lors de son cheminement, en amont du plan du dépôt, qui est celui de l’évaporation de l’eau : celle-ci vient donc de l’intérieur de la paroi et non de condensations superficielles. Lorsque le plan d’évaporation est en surface, les efflorescences se manifestent par une fine pellicule de sel ; s’il est situé à l’interface entre la paroi et son revêtement, ce qui se produit lorsque celui-ci est imperméable à l’eau mais perméable à la vapeur d’eau, la cristallisation, qui est expansive, entraîne le décollement du revêtement et sa ruine.
S’il s’agit de salpêtre, l’information est intéressante en ce sens qu’elle est indicative de remontées capillaires venant du sol : le salpêtre implique la présence de matières organiques transformées en ammoniac puis en acide nitrique, lequel se combine avec le carbonate de calcium du mur pour former du nitrate de calcium, ou salpêtre.
Décollements et cloquages
Le décollement d’un papier peut être simplement dû à un mauvais collage initial, mais aussi à la dissolution du liant par l’eau, celle-ci résultant de condensation à l’interface papier-paroi ou de venue d’eau par l’intérieur du mur ; on a alors affaire soit à des remontées capillaires, soit à des infiltrations, d’eau de pluie ou de fuites ; la présence d’auréoles complètera au besoin le diagnostic.
Le cloquage d’un revêtement imperméable à l’eau et à la vapeur d’eau signifie que l’eau est arrivée à l’interface à travers la paroi et qu’étant réchauffée par l’ambiance ou par ensoleillement, sa pression de vaporisation exerce une poussée sur le revêtement, qui cloque aux endroits de moindre résistance mécanique.
Moisissures
Pour que se forment des moisissures, il faut une humidité permanente, qui ne peut guère être entretenue que par les condensations ou les remontées d’eau du sol ; ou alors, une fuite d’eau. Il est très rare que les défauts d’étanchéité à la pluie conduisent à ce résultat.
Pourriture des bois
Lorsque l’humidité relative de l’air ambiant dépasse en permanence 85 %, le bois se charge d’humidité et risque d’être attaqué par les champignons qui le détruisent. On est alors en présence de pourriture cubique (le bois se décompose en petits cubes et devient cassant) ou de pourriture fibreuse. Si le bois n’est pas au contact de l’air, il peut être humidifié par des venues d’eau qui sèchent mal, ou par la condensation ; il est alors attaqué par d’autres types de champignons, anaérobies. On est alors en présence de pourriture molle.
Corrosion
La grande responsable de la corrosion des métaux qu’on pense à l’abri de l’eau est la condensation de l’air sur le métal froid, même à travers le matériau qui l’enrobe ; le métal, très conducteur de la chaleur, agit à la manière d’un pont thermique.
Lieu d’implantation du désordre : “où se situe-t-il ?”
Le lieu d’implantation du désordre fournit de précieuses informations sur son origine, car il permet d’éliminer un certain nombre d’hypothèses sans fondement (l’humidité au plafond du premier étage a peu de chance de provenir de l’eau du sol, surtout si l’étage au-dessous est sain) et attire l’attention sur telle ou telle défaillance de l’environnement immédiat (appareil sanitaire par exemple).
Voici quelques localisations et leurs tendances signifiantes :
• exclusivement sur les murs au vent de pluie : intempéries,
• tous les murs froids : condensations,
• au droit des ponts thermiques (cueillies, angles, fenêtres) : condensations,
• sous appareil sanitaire ou canalisation : fuites,
• en plinthe de tous les murs, à rez-de-chaussée de chaussée : eau du sol,
• mur adossé à la terre : eau du sol, condensations,
• en allège de fenêtre : intempéries, condensations.
Rythme d’apparition de l’humidité : “quand cela survient-il ?”
Le rythme aide souvent à établir une correspondance entre le désordre et sa cause :
• en permanence, été comme hiver : fuite et, plus rarement, eau du sol,
• seulement lorsqu’il pleut, avec ou sans décalage : intempéries, eau du sol,
• en hiver et demi-saison, qu’il pleuve ou non : condensations, eau du sol,
• au dégel : neige, glace,
• en été ou par temps lourd, en cave : condensations,
• après usage d’un appareil sanitaire : fuite.
Circonstances de l’apparition du phénomène : “dans quel contexte est-il apparu ?”
Ces indications sont surtout utiles lorsqu’elles viennent corroborer d’autres observations. En voici quelques-unes, avec leurs tendances significatives :
• le local “sent” (moisi, lessive, “popote”, “fauve”) : condensations (le défaut d’aération est flagrant),
• les vitres ruissellent : condensations,
• l’humidité relative de l’air dépasse 60 % : condensations,
• le local n’a pas de système d’aération spécifique ou son équipement ne débite pas assez : condensation,
• le désordre coïncide avec une consommation d’eau inhabituelle : fuite,
• le désordre est survenu après des terrassements : eau du sol,
• le désordre suit un emménagement ou l’arrivée d’un bébé : condensations,
• le mur au-dessous, sec au toucher, a reçu un papier au plomb : eau du sol (défaut d’évaporation).
L’analyse de tous ces points est essentielle dans le diagnostic des désordres liés à l’humidité. Car bien souvent le remède peut être pire que le mal, si toutes les causes n’ont pas été retrouvée. Une enquête approfondie aidera non seulement à traiter de façon adéquate les désordres existants, mais également à prévenir d’éventuelles autres manifestations d’humidité.
Pour en savoir plus, retrouver notre ouvrage « Humidité dans les bâtiments ».
Débats et réactions